Cohésion, Diversité et Authorité
Les Limites du Libéralisme Démocratique dans une Nation Multiethnique
L'augmentation de l'immigration au Canada soulève des questions cruciales sur la gestion des tensions ethniques et la cohésion sociale dans une nation démocratique. Alors que le gouvernement préfère forcer ses citoyens à s'adapter à la vague migratoire plutôt que de repousser ces derniers, il est essentiel de comprendre les dynamiques qui gouvernent les nations multiethniques et les défis qu'elles rencontrent. En se basant sur les théories de Pierre Van den Berghe, j'examine ici les critères nécessaires à la réussite de ces groupes politiques, les processus d'assimilation indispensables pour éviter les déséquilibres, et les difficultés rencontrées par les pays où les conflits ethniques demeurent non résolus. Ces analyses éclairent les complexités de la coexistence harmonieuse dans les sociétés diversifiées et les mesures nécessaires pour maintenir la stabilité et l'efficacité politique.
À la recherche de la licorne
Les nations démocratiques, fonctionnelles et multiethniques sont rares et régies par des logiques particulières. Van den Berghe identifie plusieurs critères pour leur réussite : un système de gouvernance inclusif et décentralisé, la participation active des groupes ethniques à la prise de décision politique, et des mécanismes favorisant la coopération et la prise de décision consensuelle. Il souligne également que l'ethnicité ne doit pas être reconnue officiellement par l'État, lequel doit traiter tous les individus uniquement comme des citoyens et non comme des quotas ethniques. De plus, ces groupes doivent développer leurs propres réseaux de patronage et maintenir leurs élites pour défendre leurs intérêts. Ces éléments sont essentiels pour maintenir la stabilité et l'harmonie dans des sociétés composées de diverses ethnies. Sans ces critères, les tensions ethniques peuvent menacer la cohésion nationale et compromettre le fonctionnement de la démocratie.
Van den Berghe considère la Suisse comme un rare exemple de démocratie multiethnique réussie. Ce succès repose sur un système fédéraliste décentralisé, une démocratie directe permettant une participation citoyenne active, et une représentation proportionnelle garantissant l'équité entre les différentes communautés linguistiques. Pour conserver implicitement une composition ethnique stable, la Suisse a pris plusieurs mesures spécifiques. Par exemple, des référendums ont conduit à l'interdiction des minarets en 2009 et du voile intégral en 2021. Des mesures disciplinaires ont été appliquées lorsque des étudiants musulmans ont refusé de serrer la main d'un enseignant de sexe opposé. De plus, les associations islamiques sont soumises à une réglementation stricte et à une surveillance accrue, incluant des contrôles financiers et des vérifications des activités des leaders religieux. La Suisse est donc la preuve que l'on peut être multiethnique sans être multiculturaliste. Mais comment alors gérer les minorités?
Le long processus d'assimilation
L'assimilation des nouveaux arrivants est un processus essentiel pour éviter les déséquilibres sociaux et économiques. Van den Berghe souligne que ce processus multigénérationnel dépend des incitatifs économiques. Puisque le sentiment d'appartenance ethnoculturel est inconscient, les individus ne vont pas naturellement s'assimiler, surtout si ces derniers peuvent réussir leur vie sociale en restant à l'intérieur de leur communauté. C'est souvent la seconde génération d'immigrants qui doit accomplir cette tâche de détachement afin de gravir les échelons de leur société de naissance. Cela peut prendre la forme d'une conversion religieuse ou encore d'un mariage interethnique.
L'expérience nord-américaine permet de valider les thèses de Van den Berghe sur l'assimilation. Une analyse comparative de ce processus chez les immigrants en Amérique du Nord montre que les groupes plus similaires à l'ethnie majoritaire s'intègrent plus facilement. Cela se mesure via des statistiques telles que l'acquisition de la langue, les résultats éducatifs, la participation politique et les mariages interethniques. Dans le cas des États-Unis, les Anglo-Saxons (Anglais, Allemands, Hollandais...) se sont intégrés relativement plus rapidement que les autres (tel que les Italiens et Irlandais) en raison des similarités linguistiques et culturelles. Au Québec, ces derniers groupes ont été historiquement plus réticents à s'intégrer aux Canadiens français, puisque le monde anglophone offrait plus d'opportunités. Le concept d'écart civilisationnel n'est pas fasciste, il se résume à 'qui se ressemble s'assemble'! Mais qu'arrive t'ils lorsque des minorités ethniques ne s'intègrent pas?
Un gouvernement en mode ‘pause’
Les nations démocratiques multiethniques sont difficiles à maintenir en raison des tensions ethniques non résolues; ce n'est pas comme si les exemples manquaient. En Belgique, la crise de 2010-2011 entre les Flamands et les Wallons a causé une paralysie politique qui a privé le pays de gouvernement pendant 541 jours. En Israël, les tensions entre les Juifs séculaires et orthodoxes concernant la participation militaire sont un problème constant, de même que les écarts économiques entre les Ashkénazes et les Mizrahis. Aux États-Unis, l'histoire de George Floyd démontre que l'Acte des droits civiques de 1964 n'a pas réglé tous les problèmes des Afros-Américains. Finalement, le Canada et le Québec sont constamment en conflit sur des questions de nature ethnique telles que le financement des études graduées ou les droits des minorités.
Malheureusement, ces problèmes non résolus cannibalisent la scène politique et empêchent la création d'un État efficient. En théorie la diversité est une force, mais en pratique, les tensions culturelles détournent l'attention des questions dites de classes, rendant la gouvernance difficile. Le gouvernement du Québec est une excellente démonstration de ce phénomène; les désaccords perpétuels entre fédéralistes et souverainistes ont pour conséquence d'engraisser une fonction publique maintenant irréformable, et ce depuis des décennies. Des hauts fonctionnaires, corps professionnels et autres mandarins ne sont jamais tenus responsables de leurs erreurs et continuent d'empocher des rentes importantes. Pendant ce temps, la question référendaire revient constament, comme s’il fallait attendre le Grand Soir avant de se doter d’un gouvernement efficace.
La Solution Authoritaire
Existe-t-il des exemples récents de nations multiethniques dès la fondation? Singapour en est un. Depuis son indépendance en 1965, la cité-état a intégré diverses ethnies avec des politiques de quotas ethniques dans le logement public pour favoriser la mixité. Le gouvernement impose des lois strictes contre les discours haineux et surveille les activités religieuses pour prévenir les tensions. Si cela semble autoritaire, c'est parce que ça l'est. Voici ce que le fondateur pense de ces questions.
"I have to speak candidly to be of value, but I do not mince my words and I do not believe in political correctness. If I tell Singaporeans that primacy must be given to the Mandarin language over other Chinese dialects because it is our language of instruction and of business, they will say: 'I am a Cantonese, I do not understand Mandarin.' If I say that Malays and Indians should study harder, they will say I am a racist."
"I am not saying that everything the PAP does is right. But in multiracial societies, you don't vote in accordance with your economic interests. You vote in accordance with race and religion. For example, in Malaysia, the Chinese and Indians voted for the opposition because they did not want a Muslim Malaysia. In Singapore, the Chinese vote for the PAP because they want a Chinese-dominated government."
Sources:
Pierre L. van den Berghe. _The Ethnic Phenomenon_. New York: Elsevier, 1981.
Lee Kuan Yew. _From Third World to First: The Singapore Story: 1965-2000_. New York: HarperCollins, 2000.